Résumé 2nd étape SAS 2012
Vendredi, 31 Août 2012 14:23
Jour 0 : mercredi 15/08
Départ à 18h dans un contexte assez tendu car nous attendons pour les 3 premiers jours de course du vent fort et une mer forte. A peine sorti du port, je prends une première rafale à 35kt. Du coup, départ prudent sous voiles réduites (GV 2 ris et solent arisé). Devant, les premiers spis sortent mais je préfère temporiser car j’ai peur d’avoir de grosses accélérations du vent entre les îles. Yann sur le 483 envoi son spi et s’envole, c’est tentant mais je reste conservateur. 1 heure plus tard, sous le vent de Pico, le vent rentre brutalement et j’entends à la VHF que Yann vient de perdre son spi… sur ce coup là j’ai bien fait de la jouer cool…
En début de nuit, je dois tout affaler et remonter au vent vers un bateau accompagnateur car, comme pour le départ des Sables, ma balise ne fonctionne pas et je dois en récupérer une nouvelle. La manœuvre est délicate, de nuit dans une mer chaotique, c’est chaud et les bateaux ont frotté. Bilan : un chandelier plié, la liaison coque / pont un peu ouverte et surtout une grosse frayeur, j’ai cru que la course allait s’arrêter. Je laisse une heure dans la manœuvre et repars en queue de flotte. Le vent est moins fort que prévu, mais je n’ai ni la confiance, ni l’expérience pour envoyer de la toile à ce moment. J’ai peur que le vent rentre d’un coup et je reste sous voilure réduite. Je me retrouve décroché, isolé en queue de flotte. Dur, dur l’apprentissage…
Jour 1 : jeudi 16/08
A la mi journée, le vent se renforce comme prévu. Je me décide enfin à envoyer le petit spi. Tout de suite la vitesse décolle !!! C’est impressionnant le bateau accélère beaucoup dans les surfs mais l’atterrissage dans le creux des vagues est parfois un peu brutal. J’atteins des vitesses jamais expérimentées. Par contre j’ai des gros problèmes avec le pilote automatique qui ne parvient pas à corriger les écarts de route. J’ai beau tester toutes les configurations et paramétrages possible rien y fait, il réagit trop lentement. Sous spi c’est la bérézina, le bateau part au lof et on se retrouve en quelques secondes couché, mat quasi à l’horizontal et spi qui claque. Bref dès que je lâche la barre je suis obligé d’affaler le spi. Du coup je passe sous solent pour la nuit et fais route au nord pour remonter au dessus de la route directe. C’est frustrant car je sais que la perte de vitesse est énorme mais je n’ai pas trop d’autre solution.
Jour 2 : vendredi 17/08
25kt – 30kt de vent, grosse mer. Si je veux mettre le spi je dois rester à la barre alors je passe quasi toute la journée à barrer. Le bateau accélère à 14-16kt dans les surfs, c’est grisant, je savoure ! Le soir, je suis rincé. J’affale pour manger et dormir, c’est rageant mais je n’ai pas d’autre solution, je ne me vois pas passer 23h par jour à la barre à ce stade de la course... Le moral fait le yoyo en fonction des galères qui surviennent mais je m’accroche. Je ne capte personne à la VHF alors je me sens vraiment isolé, livré à moi même.
Jour 3 : samedi 18/08
Dans un choc je me fais très mal aux côtes. Chaque déplacement, chaque effort devient synonyme de douleur. Le vent a un peu baissé alors j’envoi dès le matin le spi médium avec 1 ris dans la GV. Le bateau marche bien mais barrer est une vraie souffrance et je me décide à ouvrir la pharmacie pour prendre des antidouleurs puissants. Chaque jour à 10h nous recevons via Monaco radio la météo et le classement. Après avoir pris un 2nd ris dans la GV par prudence, j’enclenche le pilote et descend dans le bateau pour écouter la radio. 2 minutes plus tard le pilote lâche, le bateau part au lof et nous nous retrouvons couché … Au 3eme départ au lof, je me décide à affaler le spi, dans la manœuvre le bateau empanne et je vois le moment où mon spi va partir à l’eau. Je m’arrache comme un fou pour le ramener à bord. Bilan : j’ai sauvé le spi mais les douleurs aux côtes empirent et je n’ai pas pu prendre la météo pour les prochains jours. Le moral en prend un coup, je ne sais pas quelle route faire et je suis vraiment fatigué. Je reste sous voilure réduite et vais dormir. Dans l’après midi ça va mieux, j’envoie le grand spi et empanne pour faire route vers l’Est au plus près de la route directe. Le moral remonte puis en fin de journée ma centrale de navigation se met en défaut. Je suis sous grand spi avec 18kt de vent, il faut affaler sans le pilote… A nouveau je suis tout prêt de perdre le spi et dois m’arracher pour le ramener à bord. Je ne peux plus utiliser mon pilote principal, le moral est au plus bas. Je trifouille les câbles électriques et 30min plus tard ça remarche ! Ouf ! J’envoie le genaker, je mange et vais dormir car je commence à être bien fatigué par toutes ces galères.
Jour 4 : Dimanche 19/08
Dans la nuit le vent a pris de l’Ouest et j’ai du ré empanner pour faire route au nord. Je suis toujours sous genaker ce qui est assez pénalisant pour la vitesse et le cap comparé à un spi mais je n’ai pas d’autres solutions avec mes problèmes de pilote. J’ai toujours très mal aux côtes et pas mal d’effet secondaires avec les anti-douleurs puisque je me sens nauséeux et somnolent. Je passe 36 heures allongé dans le bateau…
Jour 5 : Lundi 20/08
Ca va mieux du coté des côtes. Le vent et la mer se sont apaisés et je peux maintenant envoyer le grand spi et le tenir sous pilote, bref je retrouve 100% des capacités. Coté classement les 36h passées allongé dans le bateau coutent cher. Dans la nuit de samedi à dimanche j’ai croisé devant Manu sur Koati, 30 heures après il est 30 miles devant moi… Je sais qu’une dorsale anticyclonique nous bloque la route vers les Sables. Nous allons fortement ralentir donc il y a encore du jeu mais ça va être difficile car je suis assez loin. Néanmoins après tout ce que j’ai enduré et les multiples épreuves qu’il a fallu surmonter je suis extrêmement motivé et déterminé à ne rien lâcher tant que la ligne d’arrivée ne sera pas franchie.
Jour 6 : Mardi 21/08
L’anticyclone se fait de plus en plus présent et la vitesse s’effondre. Je suis à la latitude à laquelle j’avais prévu de rentrer dans le golf de Gascogne mais je pensais avoir encore quelques heures de vent en plus avec moi. Au classement je reviens progressivement sur Jean-Marie (774) donc c’est encore jouable pour la 14eme place. La nuit est magnifique, il y a beaucoup de poissons et des dauphins. Le sillage du bateau et des dauphins est phosphorescent, c’est super beau ! Toute la nuit je suis à la manœuvre et aux réglages car le vent bouge pas mal et il faut exploiter au mieux le vent encore présent.
Jour 7 : Mercredi 22/08
Bonne nouvelle, j’ai eu Jean-Marie à la VHF, ça fait du bien de parler à quelqu’un et ça veut dire qu’on est proches… Je commence à avoir hâte d’arriver mais les miles ne défilent pas vite. Le vent nous fait vraiment défaut, j’ai l’impression de ne pas en voir le bout ! En fin de journée, je croise la route des cargos qui sont sur l’axe Cap Finister – Ouessant.
Jour 8 : Jeudi 23/08
J’apprends qu’une nouvelle dépression va arriver vendredi avec des vents de plus de 30kt et une mer forte. Dans l’idéal il faudrait être arrivé aux Sables vendredi midi. En attendant nous n’avons pas de vent et on se traine à 3-4kt. En fin de matinée, le vent rentre, nous marchons sur la route à 7kt, je fais mes calculs et c’est bon à ce rythme nous passons la ligne d’arrivée demain à la mi journée. 1h plus tard c’est la fin des illusions, plus un souffle d’air, le bateau s’arrête complètement. Je n’en peux plus, heureusement que j’ai Jean-Marie en contact VHF, nous nous encourageons mutuellement mais il nous faut attendre la fin de journée pour toucher le nouveau vent de SO qui annonce l’arrivée de la future dépression. Ca repart sous spi, je suis mieux placé que Jean-Marie et croise devant lui mais il me repasse en fin de journée pendant que je dors. Je sais que dès que le vent va forcir je ne vais plus pouvoir lâcher la barre alors j’en profite pour faire le plein de sommeil.
Jour 9 : Vendredi 24/08
Le vent ne fait que monter mais la mer est toujours plate alors ça avance bien. On retrouve des vitesses à 2 chiffres et je repasse devant Jean-Marie en fin de nuit. Je la veux cette 14ème place. Depuis jeudi soir 22h je suis à la barre et ne vais plus la lâcher jusqu'à l’arrivée. J’ai pris dans le cockpit un stock de barres de céréales et de fruits donc je n’ai plus besoin de rentrer dans le bateau… Progressivement le front nous rattrape, le vent monte à 30 kt dans les rafales et la mer se creuse. Il y a plus sympa pour une dernière journée mais il faut faire avec et tenir. On se prend des trombes d’eau, je suis trempé mais les miles défilent.
Les immeubles des Sables apparaissent à l’horizon, je me mets un peu de musique et savoure pendant quelques minutes avant de me concentrer car l’arrivée sur les Sables est délicate avec ces conditions de mer. Dernier empannage puis passage de la ligne à 17h40. L’arrivée au ponton est une énorme satisfaction, un moment magique, à lui seul il justifie toutes les peines endurées. J’ai une super arrivée, tout le monde est là (famille / copains), les feux à mains s’embrasent.
Non seulement c’est possible, mais maintenant c’est fait !
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