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Carnet de bord de la qualification

depart qualif

Avec un peu de retard, voici le résumé de mon parcours de qualification hors course réalisé du 30 août au 6 septembre 2011...

Jour 1 : Mardi 30/08 – 11h14, je sors de la rade de Lorient, c’est parti pour la Qualification ! Départ sympa et un peu émouvant en présence d’Emilie et de Mayeul. C’est la première fois que je pars en solo pour si longtemps, c’est cool de pouvoir partager ce moment avec eux. Je pars sous spi vers les Glénans dans peu de vent (5kt), je ne m’en plains pas car je n’ai pas navigué depuis un petit moment et je préfère avoir le temps de m’amariner progressivement.
J’enchaine quelques empannage pour revenir à la cote en espérant un peu de thermique mais le vent reste faible, j’en profite pour faire mes points astro au sextant. En fin d’après midi, à hauteur des Glénans le vent disparait totalement, je suis arrêté. Les premiers dauphins arrivent. En début de nuit le vent revient et je redécolle direction la pointe de Penmarch. La traversée de la baie d’Audierne est rapide, il y a de gros coefficients de marée et le courant me pousse. Je passe le raz de sein à 11kt au GPS sous Solent… Direction la pointe Saint Matthieu puis le chenal du four. Mercredi matin je rentre dans la Manche. (pointage de 11h le 31/08 : 123 miles parcourus en 24h, c’est pas mal vu le petit temps que j’ai eu les 12 premières heures.

carte quelif Jour 2 : Mercredi 31/08 - Direction Wolf Rock à l’extrême Sud Ouest de l’Angleterre. J’ai 15kt de vent au travers, j’envoi le Genaker mais je ne le garde pas longtemps car j’ai un petit problème au point d’amure et le vent se renforce. Je traverse le rail des cargos qui rentrent ou sortent de la manche mais je n’en aperçois qu’un seul, tant mieux !
A partir de 15h le vent rentre à 22 puis 25kt, la mer se creuse bien et comme je reçois les vagues de travers, ça mouille et ça cogne beaucoup (2 ris dans la GV et solent). Je suis à la barre toute l’après midi pour négocier au mieux cette mer. Je commence à bien me faire secouer et suis un peu barbouillé. Pas moyen d’avaler un vrai repas. J’arrive sur Wolf Rock à 20h45, c’est un peu la délivrance car je vais être abrité par la cote anglaise et donc avoir une mer plus calme. J’appelle rapidement Emilie pour donner ma position, ça fait plaisir de l’entendre car entre le froid, l’humidité et la fatigue liée au mal de mer je suis un peu lessivé. Je me demande si je suis bien normal de faire du Mini ??? Dire que je pourrais être tranquillement en vacances en famille… Il me faut encore attendre de quitter le rail des cargos qui passent entre la pointe de l’Angleterre et les Iles Scilly avant de dormir. A partir de minuit je laisse la bateau à Raymond (le pilote automatique) et j’enchaine les siestes de 20min jusqu’au petit matin en renvoyant d’abord un ris puis toute la toile en fin de nuit.  Du coup ça va beaucoup mieux, j’ai bien dormi, la mer s’est rangée, je suis en forme. J’avale quelques madeleines, le vent est travers j’envoie donc le petit spi. Ca accélère tout de suite, je fais route directe vers la prochaine marque de parcours située au Sud de l’Irlande à 8 – 10 kt de vitesse. Il était temps de se remettre au boulot ! (au pointage de 11h : 162 miles en 24h)

Jour 3 jeudi 01/09 : Vers 11h00, le vent faibli à 10kt, je suis maintenant sous grand spi et je fais toujours route directe entre 8 et 10kt… Dans une manœuvre un de mes winchs se bloque, 1ere sortie de la caisse à outils. 14H00 : rien ne va plus, le vent a tourné plein cul et encore faibli, la vitesse s’en ressent et je ne suis plus sur la route directe.
J’enroule la bouée de Conningbeg à 17h après quelques empannages. J’aperçois la cote Irlandaise, il fait grand soleil, c’est top ! Quelques photos, un petit coup de téléphone et direction le sud, on rentre vers la maison ! Voila une bonne chose de faite ! Mais maintenant le peu de vent qu’il reste est de face, je tire des bords à 45° de la route, ça va être long… Petite baisse de forme en attendant le retour du vent. Je lutte avec la BLU (radio HF) pour capter des bulletins météo, c’est quasi inaudible. Je prends mon premier repas chaud : un bœuf bourguignon préparé avant le départ et vers 22h le vent revient et tourne au SO. Je peux presque faire la route directe, le moral remonte et le vent se renforce encore, je prends un ris.  Le vent est régulier, je laisse la barre à Raymond toute la nuit ! Toute les 20 min le réveil hurle, c’est un peu usant de se lever, sortir, se prendre un peu d’eau, vérifier qu’il n’y a pas de bateau à proximité, s’assurer que le vent n’a pas bougé et contrôler que Raymond barre bien… Quand le soleil se lève, j’ai mauvaise conscience, Raymond a barré toute la nuit et moi je n’ai fait qu’enchainer les siestes. Un petit café, quelques madeleines, je renvoie de la toile et je prends la suite de Raymond. Je vois beaucoup de dauphins, c’est vraiment sympa. Je me mets un petit album de Lavilliers en fond musical et là c’est un super moment. Le soleil se lève, le bateau avance sur la route directe, les dauphins nous accompagnent et moi je suis super heureux à la barre ! (au pointage de 11h : 128 miles en 24h).

Jour 4 vendredi 02/09 : Je passe ma journée à la barre sous le soleil. En milieu d’après midi je commence à distinguer la pointe sud ouest de l’Angleterre. Le vent disparait et vire exactement dans l’axe de ma route… encore un coup des Anglais ! Je suis à 20 miles de Wolf Rock et je m’aperçois que dans cette zone il y a un fort courant. Le courant est de face et d’un bord sur l’autre je ne gagne rien dans le sud ! Je crois avoir une bouée de casier qui traine 4m derrière le bateau, je vérifie mais elle n’est pas accrochée c’est juste qu’avec le courant je n’avance pas d’un pouce ! Le moral baisse, je n’en vois pas le bout, je suis parti pour rester là 5h jusqu'à ce que le courant s’inverse ! Je suis contrarié, je voulais aller vite pour pouvoir être de retour à Lyon assez vite !!! et profiter de quelques jours de vacances avec Emilie et là je n’avance plus ! Comme la veille, le vent revient finalement vers 23H et ça rentre fort, j’ai maintenant 25kt au près, je prends un ris. Je slalom dans le rail des cargos entre quelques monstres d’acier pour passer Wolf Rock vers 1h00 du matin. Soudain, un petit choc et le bateau s’arrête, je viens de prendre un casier ! Ensuite c’est Raymond qui barre, mais la réserve d’Ethanol qui permet à la pile à combustible de recharger les batteries baisse, il va falloir être vigilant. Vers 8h le vent baisse, je renvois toute la toile. (au pointage de 11h : 120 miles sur 24h).

Jour 5 samedi 03/09 : On est toujours au près et le temps s’est couvert. Ca commence à faire beaucoup de près, le bateau toujours penché et qui tape, ça use !  Les conditions de vie à bord sont difficiles, j’ai un peu l’impression de vivre comme un animal ! Vers 17H j’approche de la Bretagne, je vais devoir tirer des bords face au courant, galère ! Par 2 fois j’accroche des gros paquets d’algues dans la quille, je dois faire marche arrière pour me dégager.. Le vent est toujours orienté au sud, je ne vais pas pouvoir atteindre le raz de Sein avant la renverse du courant. Je suis fatigué par une journée entière passée à la barre et décide de tirer un bord vers le large pour aller dormir. Au pire je passerai par l’ouest de la chaussée de Sein même si ça rallonge, dormir et récupérer devient important. A peine je suis endormi que je sens que quelque chose ne va pas. Le vent est en train de basculer en se renforçant. On est passé de 10kt à 25kt. Un beau grain nous tombe dessus, visibilité nulle. Une alarme sonne, il y a un bateau de pêche juste à coté de nous. C’est un peu la guerre, je ne suis pas bien réveillé et le bateau accélère dans tous les sens. Le pêcheur doit se demander ce que je fais. Je fais des cercles autour de lui mais je n’arrive pas à m’arrêter face au vent ! Ca suffit, je décide de calmer le jeu, je me bats pour prendre 2 ris dans la GV et un ris dans le solent. Quand c’est fait et que je suis bien trempé, le grain est passé… le vent se calme et je suis bon pour renvoyer toute la toile. Je suis crevé, vidé ! « C’est vraiment un truc de fou de faire du mini, je ne vais jamais réussir à me mettre au niveau… » voila ce que je me dis à ce moment là ! Le passage du raz de sein est impressionnant avec le courant de face + un gros coefficient de marée. Il y a de belles vagues abruptes sur lesquelles je pars en surf. Après 1h de lutte face au courant c’est fait, il n’y a maintenant plus de danger, je suis dans la baie d’Audierne. Il faudrait envoyer un Spi mais je vais dormir, j’en ai besoin. A 7h00, le vent s’est renforcé et ça doit continuer. J’envoi le petit spi… qui passe directement à l’eau. Je largue la drisse et il va me falloir 1h pour tout remonter à bord et remettre en marche le bateau. Le spi est intact, j’ai de la chance. Pourtant j’ai une grosse baisse de morale. J’appelle Emilie ce qui me fait du bien. Je décide de rester sous toilé et d’aller me coucher, 2h après ça va mieux. (au pointage de 11H :127 miles en 24h).

Jour 6 dimanche 04/09 : Toute la journée le vent monte, la mer commence à être bien formée mais ça avance bien en direction de la prochaine marque de parcours : le plateau de Rochebonne. Je me rempli les poches de barres de céréales et reste toute l’après midi scotché à la barre pour bien négocier les vagues et faire de belles accélérations. Dans la nuit alors que je suis allongé je suis à nouveau surpris par un grain, tout vole dans le bateau, c’est reparti pour 30 min de lutte... Je me sens de plus en plus faible, je n’ai pas mangé assez ces derniers jours. Je passe Rochebonne vers 5h00 du matin. Je fais maintenant route vers La Rochelle, le vent faibli et quand le jour se lève j’envoi le petit spi. Ca avance bien mais comme le vent faibli encore je me dis que la voile du temps c’est le grand spi… Alors que je suis en train de hisser le spi, une vague fait contre giter le bateau. Le spi se coince dans le bas étai, j’ai à peine le temps de réagir qu’il est déjà parti à l’eau, le bout dehors casse et je passe 1h à l’arrêt pour tout remettre en état. Le spi est mort ! Je suis furieux contre moi, je n’ai pas eu de chance mais j’ai manqué de clairvoyance. ( au pointage de 11H : 160 miles en 24h, beau score malgré tout…)

Jour 7 lundi 05/09 : Maintenant je me traine vent arrière vers l’ile de Ré sans pouvoir envoyé un spi. Je passe sous le pont en fin de journée et prépare le bateau pour le coup de vent qui doit arriver. Un BMS (bulletin météo spécial) annonce force 7 pour le lendemain avec une mer forte… Force 7, je ne connais pas trop… avec ce qu’il vient de m’arriver aujourd’hui je ne suis pas trop en confiance, il est temps d’arriver.
Dans la nuit, comme prévu le vent monte mais ça ne m’empêche pas de bien dormir. A l’approche de l’Ile d’Yeu je vais faire une sieste mais je n’entend pas le réveil et reste endormi 1h20 au lieu de 20min… Quand je me réveille les lumières de l’Ile d’Yeu sont derrière moi… heureusement que j’avais pris large par sécurité ! Le matin j’ai 25kt, puis 30 kt à l’approche de Belle Ile et la mer qui se creuse franchement. Les dernières heures vont être musclées… (au pointage de 11h : 138 miles en 24h).

Jour 8 mardi 06/09 : A midi, j’arrive sous Belle Ile, ca commence à sentir le dénouement mais j’essaye de rester concentré et de ne pas trop penser à l’arrivée. Le vent atteint 32kt, je décide de prendre le 3eme ris car quand je ne serai plus abrité sous Belle Ile le vent devrait encore augmenter. J’étarque la bosse de ris et crac, la grand voile se déchire ! Je suis à la hauteur du Palais et décide d’aller me mettre au mouillage dans l’avant port pour tranquillement voir ce que je peux faire. J’appelle Erwan qui m’encourage, ça fait du bien ! Finalement je repars sous Solent seul, j’ai le vent et la mer de travers, j’arrive à faire route sur Lorient. La mer est forte avec une belle houle de 4m et des déferlantes qui ne sont pas facile à négocier. Impossible de lâcher la barre ! J’arrive à Lorient à 21H après avoir eu 38kt de vent entre Groix et l’entrée de la rade. Je n’ai vu personne sur l’eau… Erwan me fait la surprise d’arriver avec une bouteille de champagne pour fêter cette fin de qualif ! Super, la qualification, c’est fait en 7 jours et 10 heures !!! Je suis très content d’être allé au bout de ces 1000 miles ! Que de chemin parcouru depuis ma première sortie solo en février dernier…

La vidéo : http://www.c-possible.fr/mediatheque/videos/98.html